L’histoire de la cuisine se confond avec celle de l’humanité. A tel point que les chercheurs considèrent que le véritable point de départ de la culture humaine, c’est la découverte de l’usage du feu de cuisine et de la cuisson des aliments. Avec la mémorisation des techniques culinaires, des hommes et des femmes vont être des personnages clefs de cette évolution : ce sont les maîtres queux, dépositaires d’un savoir-faire capable de magnifier l’un des besoins de base de l’homme, qu’est la nourriture, et capables de décliner toutes les nuances de leur art, la cuisine.
Au-delà de la simple satisfaction d’un besoin vital, et depuis la plus haute antiquité, le rôle de la cuisine connaît une dimension supplémentaire : la convivialité. L’institution d’un repas, qu’il se nomme festin, banquet, réveillon, ou agapes, qu’il commence ou qu’il clôture une cérémonie, a toujours été une consécration symbolique et initiatique.
A l’exception des communautés qui pratiquent l’ascèse, toutes les religions et sociétés initiatiques ont balisé avec des repas rituels le déroulement annuel de leurs différentes cérémonies. La cuisine réjouit le corps de l’homme, et fait exulter ses sens. En contrepartie des plaisirs terrestres de la table, et pour maintenir le lien avec les Dieux, les religions ont institué des rites de purification par le jeûne. Le musulman jeûne pendant le Ramadan, le Juif pendant le Yom Kippour et le chrétien pendant le Carême. Une alternance de périodes d’abondance et de privations procure à l’homme un équilibre. Alternativement, il communie avec le Sacré par la privation de plaisirs terrestres, puis, par la pratique des repas collectifs, reste en contact avec ses semblables et la réalité du monde.
Cuisine et initiation :
Le talent d’un cuisinier, comment le définir ? C’est l’inventivité, la compétence, la maîtrise absolue des produits et des techniques. C’est une poursuite sans fin de la qualité, une recherche de la perfection.
Mais l’art culinaire n’est pas apparu brusquement, par une révélation soudaine. Comme toutes les techniques, il est d’abord le fruit de recherches empiriques, où le hasard trouve souvent sa place. Cette lente progression a permis de fixer des savoir-faire, de trouver les bons dosages, les bonnes formules, et de constituer ainsi les premières recettes.
Depuis le 14ème siècle de Taillevent, les maîtres queux se sont succédés : Vatel, Escoffier, puis Paul Bocuse, Alain Ducasse, Joël Robuchon et bien d’autres. La cuisine est un art, et dans tout art, il y a un travail, une progression qui comporte des degrés. Tout savoir-faire est initiatique par essence, la cuisine n’échappe pas à la règle. Sur la transmission du savoir, on peut ici parler d’initiation à caractère opératif, d’une influence de maître à disciple, en une chaîne ininterrompue dont l’origine se perd dans la nuit des temps.
Le parcours d’un cuisinier, comprend plusieurs étapes : d’abord commis de cuisine, il apprend, dans le silence. Il commence par laver le sol, récurer les casseroles, puis on lui enseigne la maîtrise du feu, le nettoyage des légumes, la préparation des bouillons. Plus tard, il se perfectionne et apprend son métier, dans le respect du travail bien fait. Enfin, après des années de pratique, il peut accéder à l’excellence, devenir un Chef, obtenir un titre de meilleur ouvrier de France, ou les fameuses étoiles. Mais il doit garder à l’esprit que ces attributs constituent un commencement, et pas une fin.
Les fameuses étoiles, si appréciées des grands cuisiniers et des gastronomes, peuvent être comparées au pentagramme. Avec ses 5 pointes l’on peut y trouver les 5 sens, qui, à des titres divers, ont tous leur importance dans l’art culinaire :
– La vue : elle permet d’évaluer une cuisson, d’admirer le bel ordonnancement d’un plat ou d’une assiette par l’harmonie de la présentation et des couleurs.
– L’ouïe : elle nous fait apprécier le croustillant d’un feuilleté, qui craque sous le couteau, le glouglou d’une sauce qui réduit, ou le frémissement de la croûte, en train de se former à la surface d’un cassoulet, dans le four brûlant.
– Le toucher : il permet, grâce à la bouche et sa grande sensibilité, d’apprécier la consistance d’un aliment, de sentir le velouté d’une sauce, de juger si un plat a été servi à la bonne température.
Toutes ces sensations participent au plaisir gastronomique, et en sont indissociables.
La cuisine est une alchimie. Le cuisinier opère une synthèse des ingrédients, en les ordonnant selon des schémas variables à l’infini. L’art du cuisinier, c’est d’assembler les produits, de valoriser les goûts, les arômes, les saveurs.
Mais comme tous les arts qui demandent l’excellence, le cuisinier doit s’appuyer sur une technique sans faille, qui s’acquiert dès l’apprentissage. Désosser une volaille, lever les filets d’un poisson, parer une viande sont avant tout des gestes professionnels, qu’il faudra pratiquer sans relâche pour en maîtriser la technique. De même que le peintre apprendra les rudiments de son art en dessinant des natures mortes posées sur une table, de même que le musicien devra apprendre le solfège, et faire des gammes et des arpèges à l’infini, avant d’exceller dans son art, le cuisinier devra s’imprégner de toutes les techniques de base, afin de les maîtriser parfaitement, jusqu’à être capable de s’affranchir de leur difficulté, il pourra dès lors donner libre cours à son imagination.
L’apprenti cuisinier découvre les règles de base de son art, qui lui permettent de baliser sa lente progression vers son perfectionnement individuel. L’apprentissage difficile auquel sont soumis les cuisiniers leur permettent d’acquérir un savoir commun, mais la spécificité de chaque individu est préservée, et chaque cuisinier élaborera sa propre cuisine.
Qu’est ce que la cuisine ?
L’ Amour, il est indispensable au cuisinier. Car pour moi, la cuisine, c’est un acte d’amour. Pourquoi se lever tôt, passer des heures en cuisine, pour élaborer un plat qui sera dévoré en quelques minutes ? Par amour. La cuisine est un mode d’expression animé par l’amour, une main tendue vers l’autre, un partage. Et si transformer la matière brute est un travail, la passion en est le moteur. Pour donner aux autres, et pour recevoir aussi. La cuisine est une de mes passions. Si je passe du temps en cuisine, c’est pour montrer que j’aime, à défaut de savoir le dire. Les plats que je prépare, c’est aussi une déclaration d’amour à celles et à ceux pour qui je cuisine. Et je rends hommage à tous ceux qui cuisinent, professionnels ou amateurs, et qui savent bien que ce qu’ils mettent dans les assiettes, c’est plus que de la nourriture. Cuisiner, c’est se donner aux autres, c’est essayer de les découvrir, de les séduire, de les surprendre, c’est leur donner du plaisir. Cuisiner c’est aimer.